Qui a dit que les vélos en libre-service étaient réservés aux métropoles ? Direction les Vosges, dans l'agglomération d'Épinal, pour une balade à vélo. On vous embarque également avec nous pour un tour d'horizon des "trucs qui marchent" sur la thématique des mobilités. 🚉 🚲 🚗 👣
Bonjour,
Cette semaine, nous vous partageons ici tous les “trucs qui marchent” recensés sur la thématique des mobilités ces trois dernières années. Nous allons voyager dans les Vosges et au cœur des Corbières, pour terminer dans le Pays de Langres. Bonne lecture !
Il n’y a qu’à s’installer sur un banc place Claude Bassot en face du marché couvert ou faire un tour sur le parvis de la gare pour comprendre que le vélo à Épinal… c’est un truc qui marche. Dans la préfecture des Vosges, ville de 32.000 habitants au cœur d’une agglomération de 116.000 habitants, la décarbonation des mobilités est à portée de roues.
En 2017, la communauté d’agglomération d’Épinal lance un service de vélos en location longue durée au mois. « Ça n’a pas été simple de se lancer dans cette aventure car évidemment on avait plein de doutes. Épinal ce n’est pas Paris ou Bordeaux, alors porter un projet ambitieux sur le vélo… » raconte Thomas Peignard, directeur du service mobilités.
Limiter la place de la voiture en ville ? Réduire le nombre de places de stationnement ? Repenser les rues et les places pour encourager les mobilités douces ? Rien d’évident a priori pour qu’Épinal se convertisse au vélo, d’autant plus que commerçants, habitants et élus doutaient des avantages d’une telle politique. Pourtant, une rencontre avec Sonia Lavadinho, qui se revendique elle-même comme « anthropologue et géographe urbaine sur la mobilité, l’espace public et la prospective des modes de vie » a tout changé. Cette dernière a invité élus et services en Suisse pour une découverte grandeur nature des “trucs qui marchent” de nos voisins en matière de mobilités et d’espaces publics. Séduits, les élus ont dès lors donné leur feu vert et débloqué plusieurs centaines de milliers d’euros pour que tout le monde se mette au vélo.
En 2021, la communauté d’agglomération d’Épinal passe la vitesse supérieure et lance un service de location de vélos électriques en libre-service, à la minute, avec 150 vélos et 30 stations reparties dans plusieurs communes de l’agglo. Pour louer un vélo, rien de plus simple : trois clics sur son smartphone et le vélo est prêt à partir !
Aujourd’hui, 460 vélos sont répartis dans les 77 stations du territoire (22 communes !) avec des bornes jusqu’à 30 kilomètres du centre-ville d’Épinal. « Même les communes les plus éloignées d’Épinal nous demandent des stations car l’assistance électrique des vélos permet d’avoir une autre appréhension des distances. D’ailleurs, le trajet moyen est de 4 à 5 kilomètres mais beaucoup d’utilisateurs parcourent une trentaine de kilomètres » explique Thomas. Environ 30.000 trajets sont réalisés chaque mois. Un tel succès que les villes de Madrid, Marseille ou encore Sarrebourg (en Moselle) sont venus voir sur place pourquoi et comment ça marche.
Les maires de l’agglomération n’y sont pas pour rien dans cette belle aventure. S’ils n’étaient pas tous convaincus dès le début, c’est désormais le cas. Mieux, ils ont mis à disposition plus de 200 kilomètres de chemins communaux. De nombreux collégiens et lycéens se sont rapidement emparés du service pour être plus autonomes pour se rendre en cours ou rentrer plus tôt à la maison sans attendre le bus. Il n’y a qu’à demander au premier jeune qui passe pour être convaincu : « c’est le meilleur truc du monde, franchement, on n’a plus besoin des parents pour aller faire du sport ou voir nos potes ».
Gratuit 30 minutes par jour pour les étudiants, les titulaires RSA, les moins de 26 ans mais aussi pour les salariés des entreprises qui adhèrent au plan mobilité, les vélos remplacent dans bien des cas la voiture ou encore la deuxième voiture pour beaucoup de couples. Les économies sont non-négligeables pour les usagers, de même que pour la collectivité - trois à quatre fois moins cher qu’un trajet en bus. Pour Thomas, la question des mobilités doit être traitée avec une « approche systémique » qui intègre les besoins de tous et permet de créer des actions adéquates : aide à l’achat de voiture, location de vélos à longue durée, vélos en libre-service, transport en bus, gratuité du train pour les scolaires, etc.
Le Pays de Langres, en Haute-Marne, est confronté à de grands enjeux de mobilité. Dans ce territoire qui compte deux fois moins d’habitants que le Xème arrondissement de Paris alors qu’il est 800 fois plus grand, une partie de la population et en particulier les plus vulnérables (les personnes âgées, les jeunes, ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir une voiture) est captive de son environnement. Captive parce que pour accéder aux services de santé, aux commerces, à un emploi mais aussi aux loisirs, il faut parfois faire plus de 25 kilomètres. Dans ces campagnes et depuis la réorganisation complète des modes de vie, la mobilité est plus que jamais devenue sujet de liberté ou de condamnation.
« Pendant des années, on a eu des lignes de bus. Ils passaient une fois par semaine dans nos villages, un système imaginé dans les années 1960 » avance Sylvie Baudot, élue locale à l’initiative de ce projet porté par le PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) du Pays de Langres. Sauf qu’en 60 ans, tout a changé : les habitudes de consommation, les besoins et même le territoire. « Ce qui fait que ces bus, qui avaient le mérite d’exister, tournaient à vide. À vide ! ». Les élus de ce territoire situé au nord de la Bourgogne ne se faisaient plus d’illusion sur leur manque d’attractivité : les bus ne roulaient qu’une fois par semaine vers des itinéraires fixes et des horaires peu arrangeantes, il fallait parfois marcher plusieurs kilomètres depuis chez soi pour aller à l’arrêt de bus, les marches suffisamment hautes pour accéder aux bus dissuadaient les personnes en difficulté physique…
C’est avec un certain flair que Sylvie a monté une délégation d’élus du territoire : « Nous avons pris notre bâton de pèlerin pour aller voir ce qu’il se faisait dans d’autres territoires très ruraux. La solution ne se trouvait pas très loin de la Haute-Marne puisque c’est dans le Jura, à Baume-les-Dames, que nous avons découvert ce système de transport à la demande avec un centre d’appel pour réserver ses trajets ». Le déclic est né à ce moment-là et les élus allaient tous se battre pour dupliquer ce truc qui marche en Pays de Langres. Sauf qu’il y a quinze ans, et alors même que les géants du transport à la demande comme Uber n’existaient encore pas, vouloir supprimer ces bus historiques paraissait comme un recul considérable en matière de service public, même s’ils étaient peu utilisés.
« Ça n’a pas été une mince affaire de convaincre les différents partenaires. Au début, nous étions plusieurs à aller présenter le dossier. Au bout de la septième fois, je n’avais plus personne autour de moi, j’étais seule à encore porter ce projet… » À force de détermination, Linggo est né en 2008.
Ce transport à la demande, qui a mis au garage 15 bus polluants et bruyants, permet grâce à 15 véhicules de 5 à 9 places de réserver un trajet, par téléphone ou sur internet pour aller vers les gares (Culmont-Chalindrey ou Langres), vers les bourgs centres avec des services et des commerces, et désormais du bourg à bourg à la carte.
Comment on sait que c’est un “truc qui marche” ? Parce que ça permet aux gens d’aller faire leurs courses, d’accéder à des services, de voir leurs amis. Les seniors n’ont plus besoin de tout se faire livrer, ils reprennent plaisir d’aller en autonomie faire le marché. Parce que ça permet aussi de limiter le nombre de voitures sous-utilisées par foyer. Parce que ça permet même de se déplacer facilement vers les gares pour rejoindre sa famille ou ses amis dans les métropoles alentours.
« Au début on a fait peur à tout le monde mais aujourd’hui les retours sont unanimes. Linggo c’est 8 000 trajets. On est passé d’une journée de desserte à quatre journées, avec des publics très différents » conclut Sylvie Baudot, fière de voir son « bébé » rendre service à tout un territoire.
Direction Villerouge-Termenès, un village isolé au cœur des Corbières dans l’Aude où les habitants bénéficient de deux voitures électriques mises à disposition par la commune. Une idée, née d’une collaboration entre la municipalité et ses administrés, qui fait ses preuves et qui mérite d’être dupliquée !
La paisible commune de Villerouge-Termenès, citée Cathare à 45 kilomètres de Narbonne, a installé en 2017 une ombrière photovoltaïque sur le parking du château. Cette ombrière a été équipée d’une borne de recharge électrique pour deux véhicules, dans le cadre du déploiement d’infrastructures voulues par le syndicat départemental d’énergies. Mais si le château du XIesiècle attire près de 15.000 visiteurs par an, les élus du village ont constaté que la borne était peu utilisée par les touristes et les locaux. Plusieurs habitants, ont donc soumis une idée au maire de l’époque, Philippe Brulé, celle d’investir à plusieurs dans un véhicule électrique.
Dès la bonne idée soufflée par ces quelques habitants à l’oreille du maire, les choses se sont précipitées et une commission extramunicipale s’est créée. L’objectif : passer de l’idée à la concrétisation du projet. « Nous avons tous constaté que les deux bornes de recharge pour véhicules électriques ne trouvaient pas leur public. J’ai trouvé leur idée d’achat en commun d’un véhicule électrique pertinente et leur ai piqué l’idée pour le porter, avec eux, au niveau communal. » s’amuse l’ancien maire du village.
Après 6 mois de montage de dossier et de travail entre les élus et les habitants, c’est en juillet 2018 qu’une phase d’expérimentation a été lancée avec un premier véhicule électrique partagé, rechargé par les panneaux photovoltaïques de l’ombrière. Le principe est simple : la commune de Villerouge-Termenès met à disposition des habitants un moyen de locomotion propre pour des déplacements de courte durée, seul ou en covoiturage.
Avec ce projet de véhicule électrique communal partagé, les bornes de recharge ont trouvé une véritable utilité et un service public considérable s’est installé au village. « Nous devons faire au moins 30 kilomètres pour se nourrir, se soigner, se divertir. La voiture est vitale ! Mais certains n’ont pas le permis ou n’ont pas les moyens d’acheter un véhicule ou d’utiliser le leur. Ce véhicule est donc un service énorme pour eux. » explique le nouveau maire de Villerouge-Termenès, Michel Ponçot.
La commune propose donc, moyennant le coût modique de 6€ par demi-journée, une citadine électrique avec une autonomie de 250 kilomètres. Les habitants réservent des créneaux de demi-journées directement sur internet ou en mairie, et peuvent utiliser le véhicule. Entre 30 et 40 foyers l’utilisent et certains se sont même débarrassés de leur voiture personnelle, tant le service proposé par la commune est économique. « Les services municipaux sont utilisateurs des véhicules environ 30% du temps. Le médecin du village l’utilise aussi pour certaines de ses tournées ! Vous imaginez donc notre fierté de voir ce dispositif aussi bien intégré à la vie de notre commune. » poursuit le maire.
En 2022, un bilan a été réalisé après quatre années de service. Trois des cinq objectifs ont été remplis, à savoir : la mise à disposition d’un véhicule propre pour les habitants, bien que le service soit à présent saturé à cause du grand nombre de demi-journées réservées ; le renforcement du lien social dans le village et le fait de disposer d’un véhicule utilisable par les services municipaux. Deux objectifs sont considérés comme non atteints : l’incitation au covoiturage entre habitants et la location du véhicule par les touristes.
Fort de ces constats, la commune, accompagnée de ses partenaires européens, régionaux et départementaux, a financé l’achat d’un second véhicule électrique en 2023. Cette voiture dite utilitaire permet de multiplier le nombre de demi-journées proposées aux habitants et devient complémentaire de la citadine. Un partenariat a aussi été imaginé avec la plateforme de covoiturage départementale afin d’amplifier l’autopartage. Un truc qui marche désormais compris et accepté par tous à Villerouge-Termenès, que l’on espère voir se dupliquer partout ailleurs en France !
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A bientôt pour la suite de cette grande aventure !
La Fédération Française des Trucs qui Marchent est soutenue par TOTEM, AG2R LA MONDIALE et INEDI.